Sur une idée d’André N., un décor d’Eric P., la nouvelle pièce en un acte de l’APC : “L’AG”.
Entrée 40 euros.
Places limitées.
L’AG
Créé dans les années 2010, dans la Sierra Aulna, à l’initiative de quelques guerilleraws, l’APC, L’Aulne-Photo Club tient, mardi 10 septembre 2019, son assemblée générale à Lennon. L’assemblée générale, la grande cérémonie, la réunion plénière, le saint synode, l’abadenn Veur. Tout un programme. Au fronton de la salle, luisant dans le soleil couchant, la devise du club « Rester compact et
fidèle aux objectifs ».
Face aux membres du Club, entouré du Bureau, campe le Président. L’homme qui tutoie les étoiles, le bien nommé « El Présidente Che Doménico », dont on dit qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat, ouvre la séance avec l’autorité légendaire de celui qui sauva le club, voici quelques années, d’un pronunciamento caprin. A ses côtés Eric, l’homme de la première heure, le Géo-Trouvetou du club, dénommé aussi « Le Grand Bleu » à cause de sa propension inexpugnable à explorer, en contre-plongée, les profondeurs de champ marin. Et Daniel, le receveur-caissier, plus connu sous le sobriquet taquin d’ « Onc’Picsou », si magnanime à l’égard du voleur de boites Tupperware, ou du filou en mal de cotisation. Et Xavier, le Niko-Canoniste, vénéré depuis la vente prestigieuse d’une de ses photos à une pauvre anglaise égarée dans la campagne Berriennoise, en mal de carburant pour sa Jeep Renegate, troublée par l’annonce d’un Brexit dur à Radio-Breizh-Izel, peu avertie du cours de l’euro, n’entendant pas le dialecte local, et abusée par la mauvaise foi machiavélique de l’artiste.
Assis face au Bureau, les membres du Club, émus et empruntés, serrant dans leurs petites mains moites la convocation, le chèque de l’annuité, l’agenda semainier broché avec couverture noire plastique, mois de janvier à décembre avec 1 semaine sur 2 pages, rendez vous par demi heure de 8 h à 21 h et espace sur la page de droite pour notes supplémentaires, imposé par le CA, et la piécette pour la quête. Ils ont des aspirations, des envies, des espérances.
En un mot, ils veulent du sérieux convivial, de l’ambitieux divertissant, mais tout préparé, bien présenté et servi chaud. Des thèmes mensuels surprenants mais pas trop contraignants, des sorties royales mais pas trop matinales, un repas de fin de saison copieux mais pas trop onéreux. Ça faufile dans la chicanerie. Les non-dits alternent avec les oui-dire. On flaire le complot, la sédition, et même le coup d’État. Mais attention, si l’étripage en famille est d’usage en club bas de gamme, il n’a pas sa place à l’APC. On est ici entre gens de qualité et de tolérance. Les Nikonistes et les Canonistes ont laissé les couleurs au vestiaire, en toute convivialité. Les frénétiques du tampon côtoient les adeptes de l’image pure, en toute sociabilité. Les exaltés du tout-manuel s’affichent avec les adorateurs du rectangle vert, en toute aménité. J’ai même vu, mais peut être ai-je rêvé, oui, j’ai même cru voir un « adhérent » sortir un smartphone et tenter une « photo ». Une maladresse que n’aurait pas commise un membre encarté, l’éducation, ça s’apprend pas. Mais nul ne l’a excommunié, ni anathématisé, ni lynché. Bon, il lui a été conseillé de ne point recommencer, mais on est resté courtois, gracieux, poli. L’esprit de l’APC est empreint de tolérance et de mansuétude, mais bon, faut pas déconner quand même.
Le président ouvre la séance. « Mesdames et messieurs, chers amis , …. ». Il fait dans la distinction feutrée, tout un art. Un art que pratique à la perfection ce maitre de l’interrogatoire psychologique, façon quai des orfèvres. Car ce qui l’a sauvé, le Président, et maintenu à son poste durant ces longues années, c’est la dialectique et les manières. Féru de métaphores et passionné de métonymies, il a la stature d’un tragédien et le vocabulaire d’un linguiste. Quand il cause, on dirait Gérard Philipe dans Le Cid.
Les conversations s’interrompent. Le silence s’établit. Le calme s’abat chez les poules.
Car il faut reconnaître que les sujets de bisbille ne manquent pas. Bien sur on commence toujours par des minauderies façon geisha, mais on peut aisément basculer dans la chamaillerie de cour d’école. Ça s’est vu.
Les thèmes mensuels d’abord. Il fut proposé trois thèmes mensuels tous les trois mois, charge à chacun de choisir son thème du mois, chaque mois, parmi ces trois thèmes, en évitant les doublons, éventuellement en annexant un thème libre, non répertorié parmi les thèmes mensuels choisis antérieurement, en sachant qu’il n’existe aucune obligation ni dans le choix des thèmes, ni dans la présentation des photos, respectant quand même le chiffre des trois photos présentées mensuellement. Consternant. Ce qui explique la réaction épidermique d’Eric « Et attends de voir les thèmes …. » et c’est le drame. Un clubiste âgé, porté sur la vitesse et le « débouchage » de hautes lumières, plus phraseur que photographe d’ailleurs, sort un petit calepin à spirales, son ersatz d’Iphone, interpelle le bureau et allume la mèche en proposant « défaut », et en refusant « lumières ». Le Casus belli. Jules César franchissant le Rubicon. L’APC est un club-photo et un club-photo a pour substantifique moelle la lumière, se nourrit de lumière, est la lumière. La réplique est immédiate, « défaut » est jeté aux orties. La charge offensive est brutale, la manœuvre défensive belliqueuse. On craint la guerre civile, la vendetta, la Saint Barthélémy. Et puis le carnage, la tuerie, l’équarrissage…. Et pour finir, le vitriol. Heureusement, le bon sens revient dans les têtes. On s’assoit à la table de négociations. Les diplomates prennent le pas sur les militaires. Le thème mensuel est rétabli. Le thème « lumières » est réhabilité. L’armistice est signé. Eric clôt le débat d’un péremptoire « Rien n’est figé, mais au bout d’un moment ça va bien, comme dirait ma belle mère », avec une sévérité toute monastique, étonnamment singulière chez ce garçon amène et de bonne compagnie. Je balance pas, j’évoque.
Deuxième point de friction, le choix du dimanche pour les sorties. Certains, les plus âgés, jurent que le dimanche est jour de repos, jour de relâche. C’est le jour de la messe, du mêlé-cass, du poulet-frites, du tiercé, du match de foot et de la grasse mâtinée. C’est inscrit dans l’ADN du retraité. Alors, se lever dès potron-minet, pour photographier dans les brumes du petit matin la tour Vauban à Camaret ou le phare du Minou à Brest, est au dessus des forces du clubiste de base, attaché aux traditions ancestrales et à la couette charitable. Certes, certains se prennent à marauder la nuit tombée, autour du lac de Brennilis, ou au pont de Plougastel, mais ce sont des exceptions. Certes, une photographe talentueuse nous a démontré que pour faire de beaux clichés des Monts d’Arrée, il fallait savoir se lever matin, mais elle n’est pas membre de l’APC. Certes les férus d’astrologie ne craignent pas de jouer les somnambules pour surprendre la voix lactée, mais eux, ce sont les lèche-culs présidentiels. Et, force est de constater, que nombre de
ces sous-sexagénaires clubistes encore en activité professionnelle, ne travaillent pas le samedi. Et puis même ! Il y a les vacances, les RTT, les jours de récup’, les jours fériés, les congés enfant-malade, les congés maladie et même les jours de vraie maladie. Alors pourquoi le dimanche ? Sans basculer dans le complot utopique, on pourrait aisément concevoir une autre répartition des sorties. Eric clôt le débat d’un péremptoire « Rien n’est figé, mais au bout d’un moment ça va bien, comme dirait ma belle mère », avec une sévérité toute monastique, étonnamment singulière chez ce garçon amène et de bonne compagnie. Je balance pas, j’évoque.
Troisième point d’achoppement, le repas festif qui clôture, finalise et couronne la saison du Club-Photo. La date est arrêtée. On a vu trop d’hésitations dans les dates, ces derniers temps, pour laisser place à l’improvisation. La clape, c’est du sérieux. La notoriété d’un club repose aussi sur le menu de fin d’année. Le clubiste qui maîtrise la profondeur de champ et domine la Suite de Fibonnaci, mais sort du repas avec un creux à l’estomac, il grogne, et ça fait mauvais genre pour le Club. On suppute un laisser aller. J’ai vu des clubs plonger pour un repas relevant du pique-nique de sortie scolaire. Il faut du solide, du consistant, du copieux, qui tienne au ventre mais aussi du raffiné, du délicat, du subtil, qui flatte les papilles. A cet égard, disent les experts en ripaille d’assos’, il faut repartir sur le mode « Au choix ». Sur le menu, la locution « Au choix » fait montre de respect et de déférence à ton égard. Tu commandes, et on te laisse le choix. T’es libre. Jambon à l’os façon Bretonne avec – Au choix -, tu jubiles. Délice de Trévarez façon
Grand Siècle avec – Au choix -, tu te délectes. On y perçoit de la considération. De l’égard. On sent que le traiteur manie l’encensoir, mais avec civilité, façon maitre d’hôtel, smoking et nœud papillon, haussement de sourcil et claquement de doigt. La classe. L’élégance. Le savoir-vivre façon Maestro. Bien sur il y a un surplus de 3,70 euro, mais c’est la marque de l’estime. Et Daniel, pour combler le déficit, le trésorier équilibriste rognera sur les frais de matériel. Désolé Loïc, mais une boite à lumière ne remplacera jamais un bon panier-repas. Et comme aime à le répéter Yvan, la roulante a aussi sa part dans la victoire de Verdun. Et comme argumente Karine de manière concise, waouhhhh. Arrêter la date c’est bien, mais pour le menu faudra prévoir – Au choix -. Eric clôt le débat d’un péremptoire « Rien n’est figé, mais au bout d’un moment ça va bien, comme dirait ma belle mère », avec une sévérité toute monastique, étonnamment singulière chez ce garçon amène et de bonne compagnie. Je balance pas, j’évoque.
L’assemblée générale bruisse, murmure, bourdonne, s’ouvre à la discussion. Le débat s’installe. Je reste dans mon coin, moi le matricule « octobre 2014 », silencieux, humble, vigilant mais confiant. Car la grande consolation des médiocres c’est de savoir que les génies ne sont pas immortels.
André
L'auteur : André NIHOUARN | ||||||||
Notre "doc" manie la langue française comme personne. Adepte des Tontons Flingueurs et des Bronzés, il nous taille des costards sur mesure sans aucune méchanceté et avec humour. A lire sans modération. |
L’assemblée générale de l’APC, s’est déroulée hier soir, en ce 10 septembre de l’an de grâce 2019. Cette magnifique affiche sous tendue par un texte de haute tenue en fait foi.
Il est désormais de notoriété publique que mon anniversaire se situant immanquablement le 3 septembre, je suis condamné à le fêter à l’issue de ce colloque éminent. Or, sans être virtuose en conclave, il saute aux yeux que cette réunion est celle qui voit déferler, singulièrement, la plus forte tripotée de membres encartés, anciens et nouveaux, ex et néo, soudain intéressés, sans doute, par la dynamique évolutive de l’APC, les thèmes photos choisis, ou le menu du repas annuel….. En théorie, un échantillonnage conséquent d’adhérents scrupuleux. En réalité une véritable collection d’experts en bouffe et en picole gratuites.
Afflux auquel je me dois de répondre, faute de me déconsidérer à jamais dans le milieu pitancho-gloutonno-photographique, lequel est, on le sait, le ciment de tout rassemblement culturello-artistique en Basse- Bretagne.
Et ceci me coûte beaucoup de sous. On atteint des chiffres vertigineux, démentiels, astronomiques, surtout si l’on tient compte de l’inflation galopante et de la stagnation léthargique de ma misérable retraite, acquise laborieusement au fil des années, au prix de privations pénibles et éprouvantes.
Je fais confiance au nouveau président Xavier 1er, élu à la surprise générale, et à son vice-président, auto-désigné démocratiquement, lesquels sauront m’assurer du soutien vertueux et pécuniaire du club APC, avec le consentement tacite de Daniel, l’inamovible mais probe officier payeur.